Séance de rentrée solennelle sous la Coupole sur le thème « Découvrir »

Le vendredi 24 novembre 2023, à 15h précises

♦ La vie et les travaux de l’Académie en 2023, par Monsieur Yves-Marie BERCÉ, Président de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

♦ Lecture du Palmarès de l’année 2023 et proclamation des nouveaux archivistes paléographes, par Monsieur Charles de LAMBERTERIE, Vice-Président de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

♦ Allocution d’accueil de Monsieur Nicolas GRIMAL, Secrétaire perpétuel de l’Académie

Discours de Monsieur Laurent PERNOT, membre de l’Académie : « Découvrir et interpréter les textes littéraires grecs »

Les textes littéraires grecs de l’Antiquité sont, pour la plupart, édités, traduits et commentés depuis des siècles. La question qui se pose, dans ces conditions, est celle de savoir si et comment la connaissance peut encore progresser en ce domaine. Le chercheur a tant de devanciers. Que lui reste-t-il à faire et à dire ? 

Une première réponse à cette inquiétante interrogation réside dans les découvertes matérielles qui continuent d’être effectuées, plus souvent qu’on ne croit. Des papyri antiques et des manuscrits médiévaux révèlent des textes inconnus, ou des versions meilleures ou plus complètes de textes imparfaitement connus. Par ailleurs, beaucoup de publications existantes sont périmées, parce qu’elles ne correspondent plus aux exigences croissantes de la recherche, de sorte que de vastes corpus demandent à être publiés sur nouveaux frais. 

Ce n’est pas tout, et les textes les plus familiers, les plus célèbres sont revisités par chaque époque, qui se tourne vers eux dans la mesure où ils lui parlent et où elle trouve en eux un écho à ses propres préoccupations. Le renouveau des approches est une condition nécessaire de la vie des classiques, mais une voie dangereuse qui comporte beaucoup d’écueils. La critique doit trouver le moyen de proposer une lecture moderne des textes sans plaquer sur eux des significations erronées. Ni psittacisme, ni effacisme ; ni surinterprétation, ni sous-évaluation. D’immenses chantiers restent ouverts. 

 

Discours de Madame Francoise BRIQUEL CHATONNET, membre de l’Académie : « L’Église de l’Orient à la découverte du monde »

L’Église de l’Orient, née dans la Mésopotamie sous domination parthe puis sassanide, s’est développée hors de l’empire romain, sans le soutien d’un État résolument perse et zoroastrien et qui souvent ne lui était guère favorable. Elle a pourtant connu très tôt une expansion remarquable, ses missionnaires se lançant à la découverte du monde, dans un mouvement qui s’inscrit dans la suite de l’expédition d’Alexandre et des explorations de l’époque hellénistique et romaine.

On a peu de textes, qui ne manifestent pas de souci ethnographique. Mais quelques documents permettent de suivre cette expansion jusqu’en Inde et en Chine avant même la conquête arabo-musulmane, de mesurer quand même ce que fut la découverte d’autres milieux et d’autres mondes (l’empire chinois des Tang, les pêcheurs de perle du golfe Arabo-Persique), auxquels il fallait s’ouvrir pour leur apporter le message chrétien. Une découverte qui survint parfois dans l’autre sens, quand des chrétiens des confins orientaux du monde revenaient vers le cœur du monde syro-oriental, ou même partaient à la découverte de l’Extrême-Occident. 

 

Discours de Monsieur André VAUCHEZ, membre de l’Académie : « Des femmes maîtres spirituels ! Une découverte aux derniers siècles du Moyen Âge »

La notion de découverte est généralement liée dans notre esprit à l’idée d’un heureux hasard ayant permis de trouver des choses inattendues. Ainsi, l’archéologie a souvent progressé sous l’influence de trouvailles fortuites, qui ont parfois renouvelé notre connaissance d’une civilisation ou d’un aspect de son passé. Mais, dans le domaine des croyances et des comportements, la plupart des découvertes survenues à une époque donnée procèdent d’un mouvement de fond qui s’est préparé dans la pénombre et n’est sorti de l’obscurité qu’à la faveur d’un évènement apparemment imprévisible.

C’est ce qui s’est passé en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, quand la parole féminine, jusque-là presque inaudible ou dévaluée, fit irruption dans la vie de l’Église et de la société. Dans le contexte troublé des XIVe et XVe siècles, on découvrit en effet que les femmes pouvaient prononcer, à l’égal des hommes, une parole autorisée sur Dieu et sur l’amour, et devenir elles-mêmes des maîtres spirituels.

Dans ce domaine, le tournant décisif se situe autour des années 1300/1330. Trois figures féminines sont étudiées ici dans cette perspective : Guillemette de Milan (+ v.1281) qui semble avoir présenté les femmes comme les porte-paroles du Saint-Esprit, Angèle de Foligno (+1309), une mystique ombrienne d’obédience franciscaine dont le  « Livre » constitue un manuel de vie mystique exaltant le rôle de l’amour dans la vie spirituelle, et Marguerite Porète, auteur du Miroir des simples âmes, qui fut condamnée et brûlée à Paris en 1309 en même temps que son ouvrage. Toutes trois, et plusieurs autres à leur suite, ont été découvertes avec stupeur par leurs contemporains. La première réaction de l’Église et de la société face à ces femmes et à leurs affirmations fut un rejet, qui s’est traduit par la mort violente de deux d’entre elles et par la condamnation de leurs écrits. Mais la pertinence de leur démarche fut reconnue quelques siècles plus tard, à la suite d’une redécouverte de leurs œuvres et de leur message, qui nous interpelle encore aujourd’hui.