Les Grecs face aux hiéroglyphes. La mort d’une écriture et l’éclosion d’un mythe – cycle de conférences de Jean-Luc Fournet à Rome

Le mythe des hiéroglyphes mis en scène par Willem Goeree, Joodse Oudheden, ofte Voorbereidselen tot de Bybelsche wysheid, Amsterdam, 1690

Cycle de conférences de Jean-Luc Fournet, de mai à juin 2024

Dans le cadre des Lectures méditerranéennes 2024 de l’École française de Rome

PROGRAMME

  • Mardi 21 mai 2024, 18 h -19 h 30

La fin de la culture hiéroglyphique

Ambassade de France en Italie Institut français ItaliaPalais Farnèse, Salon d’Hercule (piazza Farnese 67)

La fin d’une écriture est un phénomène aussi émouvant qu’intellectuellement instructif. Inventés peu avant 3100 avant J.-C., les hiéroglyphes et les écritures qui en dérivent (hiératique et démotique) ont dû faire face au nouvel ordre linguistique qui s’est mis en place avec la Conquête de l’Égypte par Alexandre en 332 avant J.-C. : le grec devint la langue du nouvel État, reléguant la langue égyptienne et ses écritures au second rang, situation qu’accentuèrent les Romains lorsqu’ils firent de l’Égypte une province de leur Empire en 30 avant J.-C. Nous suivrons pas à pas l’étiolement des écritures hiéroglyphiques jusqu’à leur extinction en l’an 394 (pour les hiéroglyphes) et 452 (pour le démotique) en cherchant à identifier les facteurs qui aboutirent à leur dépérissement et à leur remplacement par l’écriture copte, qui notera désormais l’égyptien pendant de nombreux siècles. Derrière cette substitution graphique se joue une révolution culturelle et religieuse dont le christianisme a été le déclencheur.

Pour participer à la conférence inaugurale : réservation obligatoire via le formulaire en ligne (dans la limite des places disponibles).

 

  • Lundi 27 mai 2024, 18 h -19 h 30

Les Grecs et les hiéroglyphes : entre fascination et égarement

Académie de France à Rome – Villa Médicis (Viale della Trinità dei Monti, 1)

Le mythe des hiéroglyphes tel qu’il s’est développé dans l’Europe moderne tire ses origines du regard que les Grecs portèrent sur les écritures égyptiennes. Soumis depuis au moins Hérodote (Ve siècle avant J.-C.) aux sirènes de l’égyptophilie, les Grecs, une fois installés en Égypte, n’ont pas manqué de s’intéresser de près à la culture égyptienne et à ses modes d’expression graphique. Mais ils le firent plus en philosophes, questionnés par l’altérité de cette écriture idéographique et spéculant sur ses implications intellectuelles, qu’en philologues désireux de comprendre son fonctionnement. Accompagnant, comme spectateurs et comme acteurs, le déclin et la disparation des anciennes écritures égyptiennes, ils ont laissé de nombreux témoignages écrits de leur curiosité pour les hiéroglyphes, qui essaimèrent dans le reste du monde gréco-latin et qui, redécouverts à la Renaissance, marquèrent durablement les conceptions que les Modernes se firent de l’ancienne écriture égyptienne. Avec les Grecs, nous rentrerons dans la fabrique du mythe hiéroglyphique.

 

  • Lundi 3 juin 2024, 18 h -19 h 30

Horapollon, l’auteur d’un traité grec sur les hiéroglyphes ?

Fondazione Primoli (via Giuseppe Zanardelli, 1)

Le seul ouvrage grec entièrement consacré aux hiéroglyphes qui ait été rescapé du naufrage de la littérature grecque est le traité intitulé Hieroglyphica d’Horapollon, dont le manuscrit fut redécouvert par un prêtre italien sur l’île d’Andros en 1419 et déposé à Florence en 1422. Cet ouvrage aurait pu changer l’histoire du déchiffrement des hiéroglyphes en l’anticipant de quatre siècles : Horapollon était en effet un intellectuel alexandrin qui appartenait à une famille païenne s’intéressant à la culture et la religion des anciens Égyptiens et qui était donc à même de transmettre dans ses écrits des informations précises et de première main sur les hiéroglyphes. Il en fut pourtant tout autrement : son traité, quoique décrivant environ 200 hiéroglyphes en donnant leur signification, n’a eu aucun écho dans l’Antiquité et, malgré son retentissement dès la Renaissance, n’a fait qu’égarer les Modernes en quête de la clé des hiéroglyphes. Si l’on y retrouve tous les préjugés des Grecs sur les hiéroglyphes, l’œuvre pose aussi de nombreuses questions sur la date et le milieu de sa composition qui aboutissent à mettre en doute les certitudes que l’on avait sur ce traité. Et si ces Hieroglyphica restaient encore à déchiffrer ?

 

  • Lundi 10 juin 2024, 18 h -19 h 30

Les errances du déchiffrement : déconstruire le mythe

Museo Nazionale Romano, Palazzo Altemps (via di S. Apollinare, 8)

Entre la redécouverte des Hieroglyphica d’Horapollon et le déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion à partir de 1822, les études hiéroglyphiques ont stagné alors même que l’Égypte n’a jamais cessé d’intéresser ni d’attirer l’attention des savants sur son écriture. Ce piétinement ne s’explique pas seulement par l’absence d’une pierre de Rosette (cette dernière ne fera son apparition qu’en 1799), mais tient aussi aux préjugés grecs dont l’Europe moderne hérita avec la résurrection enthousiaste de la littérature classique à la Renaissance. Après avoir hâté la disparition des hiéroglyphes dans les derniers siècles de leur histoire, les anciens Grecs contribuèrent malgré eux à ralentir le moment du déchiffrement en léguant à la modernité les fantasmes qu’ils avaient développés sur cette écriture et qui jouèrent comme autant de blocages épistémologiques. La redécouverte des œuvres néoplatoniciennes concomitantes de celle d’Horapollon n’a fait que dévoyer un peu plus les efforts que déployaient les « antiquaires » (dont le père Athanase Kircher est le représentant le plus connu) pour redonner sens aux inscriptions hiéroglyphiques. Les sciences historico-philologiques, qui devaient triompher au XIXe siècle, se sont d’une certaine façon construites dans la déconstruction du mythe hiéroglyphique.

 

Informations pratiques :

Les conférences se dérouleront en langue française avec traduction simultanée en italien.

Inscription obligatoire pour la conférence au palais Farnèse le 21 mai 2024 (formulaire en ligne).

Entrée libre dans la limite des places disponibles pour les autres conférences.