Appel à participation : Le lecteur collaboratif dans l’Antiquité tardive

Appel à participation

Date prévisionnelle : juin 2022

L’Antiquité tardive est souvent considérée comme une période marquée par l’émergence de l’intériorité, ou plus précisément de nouveaux rapports à l’intériorité, dont témoignent de nouvelles formes d’expériences religieuses, le développement de l’écriture autobiographique ou encore celui des « techniques de soi » étudiées jadis par Michel Foucault. Or c’est aussi à cette époque charnière dans la constitution du sujet moderne que le lecteur prend, dans les textes, une place particulière. De l’injonction « Que le lecteur comprenne ! » des évangiles (Mc 13, 14 ; Mt 24, 15) aux homélies de Jean Chrysostome, dans les textes théologiques ou exégétiques, de la polémique religieuse à la littérature spirituelle, le lecteur est constamment invoqué, non seulement comme un destinataire, comme c’est le cas dans la tradition grecque et latine avant le christianisme, mais aussi comme une instance de coopération fondamentale dans la production du texte, voire comme l’objet ultime de ce dernier.
Ce constat suscite immédiatement plusieurs questions : qu’y a-t-il de vraiment nouveau dans ces appels aux lecteurs ? En quoi peuvent-ils encore se rattacher à la tradition littéraire gréco-latine ? Quels sont les facteurs qui expliquent cette présence nouvelle du lecteur ? Ce phénomène est-il, à la fin de l’Antiquité, exclusivement chrétien ? Est-il lié, d’une manière ou d’une autre, au christianisme ? A-t-il un rapport avec l’apparition de nouveaux types de textes, ou à de nouvelles pratiques de lecture, privées ou communautaires ? Peut-il être interprété comme l’une des manifestations de cette émergence de l’intériorité que l’on rattache souvent à l’Antiquité tardive ?
Ce colloque a pour objectif, au-delà d’un état des lieux des différentes formes prises par le lecteur tel qu’il est prévu, explicitement ou non, dans les textes de l’Antiquité tardive, d’inscrire cet état des lieux dans une histoire large dans laquelle la prise en compte de l’Antiquité préchrétienne jouera aussi un rôle fondamental.
Le postulat des organisateurs est que le lector in fabula n’est pas qu’un concept heuristique, tel qu’on l’utilise, depuis Umberto Eco, dans une certaine approche sémiotique de la littérature. C’est aussi un élément qui fait parfois partie intégrante des textes, qu’il soit ou non explicitement nommé, et qui est donc susceptible, pour cette raison, d’être historicisé. S’il existe déjà des histoires de la lecture dans l’Antiquité, le lecteur est en général envisagé sous sa dimension d’être social, mais non tel qu’il est prévu dans les textes eux-mêmes – ce que les narratologues nomment le « lecteur implicite » (« implied reader », Wolfgang Iser) ou encore le « lecteur informé » (« informed reader », Stanley Fish). L’objet de cette rencontre ne sera donc ni la lecture ni le lecteur à proprement parler, mais la relation au lecteur que les textes supposent ou suscitent, notamment pendant l’Antiquité tardive.

Les communications pourront porter sur les sujets suivants (liste non exhaustive) :
• Les appels au lecteur dans les textes (leurs natures, leurs formes, leur caractère direct ou indirect, leur rapport possible avec les mises en abyme présentes dans certains textes)
• Les prohibitions et déclarations de méfiance à l’égard de certains types de lecteurs
• Le lecteur implicite
• La collaboration/coopération du lecteur avec le texte
• Appels au lecteur et direction spirituelle
• Lecture et construction de soi (comme personne, comme membre d’une communauté, d’une société, d’une Église)
• Herméneutique du texte / herméneutique de soi
• Lecture et techniques de soi
• Le lecteur dans les commentaires de textes (Bible, textes philosophiques)
• Le lecteur dans la tradition homilétique
• Le lecteur dans les textes polémiques
• Le lecteur dans les catéchèses anciennes
• Le lecteur dans les textes théologiques
• Le lecteur dans les textes de formation (adaptation du texte au niveau du lecteur ; adaptation du lecteur au niveau du texte)
• Le lecteur et les textes conçus comme étapes d’une progression spirituelle
• Le lecteur et l’acte de lecture (privé ou public, solitaire ou communautaire, à voix basse ou à voix haute)
• Le lecteur et les usages du texte (pour la méditation, la mémorisation, l’exégèse, la prière, les exercices spirituels…)
• Lecteur et notion de révélation (textes oraculaires, discours sacrés)

Le format prévisionnel des communications est pour le moment de 25 min. Les propositions, constituées d’un titre et d’un résumé de 10 lignes environ, doivent être envoyées pour le {15 juin 2021 aux adresses des organisateurs.}

Sébastien Morlet : sebastien.morlet@sorbonne-universite.fr
Antoine Paris : antoine7.paris@gmail.com

Collaborative reader in Late Antiquity

The mutual construction of the text and the reader and the emergence of Christian literature

Provisional date : June 2022

Late Antiquity is often seen as characterized by the emergence of interiority or, more precisely, new relations to interiority, which are witnessed by new forms of religious experiences, the development of autobiographical writing or, among others, the “technologies of the self” which Michel Foucault once studied. It is precisely during this pivotal time for the constitution of the modern subject that the reader takes a special place in the texts. From the “Let the reader understand!” injunction in the gospels (Mk 13:14; Mt 24:15) to John Chrysostom’s homilies, in theological or exegetical texts, from religious polemics to spiritual literature, the reader is called upon, not only as an addressee, like it is the case in Greek and Latin tradition before Christianity, but also as fundamentally cooperating in producing the text, if not as constituting the ultimate object of it.
This observation raises several questions. What is truly new in these calls to readers? To what extent may they be connected to the Graeco-Latin literary tradition? Which factors explain this reader’s new presence? Is this phenomenon, at the end of Antiquity, specifically Christian? Is it linked, in one way or another, to Christianity? Is it related to the appearance of new kinds of texts, of new private or community-based reading practices? Could it be interpreted as a manifestation among others of the emergence of interiority, which is often seen as related to late Antiquity?
Beyond an overview of the reader’s various forms, as it is explicitly or implicitly intended in Late Antiquity texts, this conference aims at situating this overview in a wide history in which it will be crucial to take also into account pre-Christian Antiquity.
The organizers’ hypothesis is to consider the lector in fabula not only as a heuristic concept, as it is used, since Umberto Eco, in a certain semiotic approach of literature, but also as an integral part of the texts, whether it is explicitly stated or not, and, therefore, as something which can be historicized.
Histories of reading in Antiquity already exist, but, in theses histories, the reader is generally considered in his social dimension and not as it is intended in the texts themselves – what the narratologists call the “implied reader” (Wolfang Iser) or, among other denominations, the “informed reader” (Stanley Fish). The topic of this meeting will be neither the reading nor the reader per se, but the relationship to reader which the texts imply or produce, especially during Late Antiquity.

Papers may cover the following topics (non-exhaustive list):
• Calls to the reader in the texts (their natures, forms, direct or indirect character, their possible connections with the mise en abyme passages in some texts)
• Prohibitions and statements of non-confidence towards certain kinds of readers
• Implicit reader
• The reader’s collaboration/cooperation with the text
• Calls to reader and spiritual guidance
• Reading and self-construction (as a person, as the member of a community, a society or a church)
• Text hermeneutics/self hermeneutics
• Reading and technologies of the self
• Reader in text commentaries (Bible, philosophical texts)
• Reader in homiletic tradition
• Reader in polemical texts
• Reader in ancient catecheses
• Reader in theological texts
• Reader in formation texts (adaptation of the text at the reader level; adaptation of the reader at the text level)
• Reader and texts as steps of a spiritual progress
• Reader and reading act (private or public, solitary or in a community, in a low voice
or aloud)
• Reader and texts uses (for meditating, memorizing, exegesis, prayer, spiritual exercises…)
• Reader and the notion of revelation (oracular texts, sacred speeches)

As we plan them at this time, papers should be around 25 min. Proposals should consist in a title and a summary of about 10 lines and be sent to the organizers’ addresses before June, the 15th 2021.

Sébastien Morlet: sebastien.morlet@sorbonne-universite.fr
Antoine Paris: antoine7.paris@gmail.com