Juifs et chrétiens en Arabie aux Ve et VIe siècles
regards croisés sur les sources
Dans les années 520 de l’ère chrétienne, l’Arabie méridionale fut le théâtre d’un événement exceptionnel dans l’histoire universelle : le massacre d’une population chrétienne par un souverain juif. Depuis près de 150 ans, les rois de Himyar (le Yémen actuel et une grande partie de l’Arabie Séoudite) accordaient leur soutien au judaïsme. Les Éthiopiens du royaume d’Aksûm avaient réussi, vers le début du VIe siècle, à faire de Himyar un royaume tributaire. Mais en 523, le prince qu’ils avaient peut-être installé sur le trône se rebella. Il entreprit d’éliminer les chrétiens de son royaume qu’il estimait alliés aux Aksûmites.
L’épisode le plus célèbre de cette entreprise – le massacre des chrétiens de la grande oasis de Najrân (en Arabie Séoudite aujourd’hui, près de la frontière du Yémen) – est connu par une multitude de sources ; inscriptions sudarabiques et éthiopiennes, récits syriaques, textes grecs historiques ou hagiographiques. La plus importante de ces sources, le Martyre d’Aréthas, déjà publié dans les Monographies, existe aussi dans de nombreuses versions orientales, en arménien, en géorgien, en arabe et en éthiopien.
Le colloque de novembre 2008 dont les actes sont publiés ici visait à comprendre le contexte dans lequel ces écrits ont été produits et à démêler leurs rapports : les versions arabes et éthiopiennes, par exemple, offrent quelque données absentes du grec. Le colloque a également permis des progrès dans la compréhension des récits syriaques, qu’il s’agisse de leur auteur supposé ou des rapports entre les différentes versions d’un même récit. Le colloque avait aussi pour but de replacer les événements de Najrân dans un contexte plus large, en étudiant la ville et son histoire, le développement du monothéisme en Arabie du Sud et le rôle, tant politique que religieux, joué par l’Éthiopie, pour qui le Yémen représentait une chasse gardée.