Disparition de Françoise Micheau

Nous avons eu la tristesse d’apprendre le décès de Françoise Micheau vendredi matin, des suites du COVID. Cette disparition, après celle de Christophe Picard le mois dernier laisse un grand vide pour l’équipe Islam médiéval, et les études islamiques en général.

Disciple de Claude Cahen, elle avait assuré après le départ à la retraite de ce dernier en 1979 une continuité de l’enseignement sur l’Islam médiéval à l’Université Paris 1, et son élection en 1997 sur un poste de professeur lui avait permis de donner toute la mesure de ses qualités de chercheuse et de pédagogue. Elle a profondément marqué des générations d’étudiants qui ont découvert avec elle l’Islam médiéval et pour certains mené sous sa direction des thèses qu’elle suivait avec une rigueur qui n’avait d’égale que sa bienveillance. Nombre d’entre nous se souviennent de son séminaire de recherche, dans lequel elle partageait non seulement son immense savoir mais aussi ses questionnements de méthode – et parfois ses doutes –, toujours ouverte au dialogue avec les participants. Ce fut pour beaucoup, et notamment pour les nombreux jeunes doctorants qui y assistaient, un lieu d’apprentissage décisif. C’est là en particulier qu’elle construisit pas à pas sa réflexion sur les débuts de l’Islam qui donna lieu en 2012 à la publication de son livre, devenu une référence, Les débuts de l’Islam : jalons pour une nouvelle histoire, dans la collection L’Islam en débats qu’elle avait créée et codirigée à partir de 2004.

Spécialiste de l’histoire sociale de la médecine arabe médiévale, elle y avait consacré de nombreux travaux, dont son habilitation à diriger des recherches soutenue en 1995 sur Savoir médical et société dans le Proche-Orient arabe du IIe/VIIIe au VIIe/XIIIe siècle, et encore récemment le livre La thériaque : histoire d’un remède millénaire qu’elle a codirigé avec Véronique Boudon-Millot en 2020. Elle s’était également beaucoup intéressée aux historiens arabes du Proche-Orient à l’époque des croisades, traduisant Al-Makin avec Anne-Marie Eddé (1994) et Yaḥyā d’Antioche avec Gérard Troupeau (1997) et publiant, toujours avec Anne-Marie Eddé, un recueil de textes traduits, l’Orient au temps des croisades (2002). Encore récemment elle préparait un recueil de ses articles réactualisés sur l’écriture de l’histoire en pays d’Islam au temps des croisades. 

Françoise Micheau avait contribué avec l’énergie et le sens de la concertation que nous lui connaissions à la création en 2000 de l’UMR 8084 Islam médiéval, réunissant des historiens et archéologues du CNRS, de Paris 1 et Paris IV, qui devint rapidement sous sa direction un lieu majeur d’échanges et de développement des études sur l’Islam médiéval à Paris, en France et au niveau international. À partir de 2004 elle joua un rôle moteur dans le regroupement de plusieurs équipes qui donna naissance deux ans plus tard à l’UMR 8167 Orient & Méditerranée, et elle resta la directrice de l’équipe Islam médiéval jusqu’à sa retraite en 2013.

L’accident de cheval qui l’avait lourdement handicapée en 2015 ne l’avait pas empêchée de poursuivre son activité de chercheuse, continuant à publier, à recevoir chez elle ses collègues et anciens étudiants, et à participer activement et régulièrement à nos réunions d’équipes.

Ces quelques lignes ne peuvent rendre compte du rôle moteur et fédérateur qu’a joué Françoise Micheau dans les études sur l’Islam médiéval en France, et plus particulièrement pour notre équipe de recherche, et de l’influence qu’elle a eue sur ses étudiants et ses collègues. Sa disponibilité, sa générosité à dispenser son savoir et ses conseils, son dynamisme nous ont toutes et tous profondément et durablement marqués et ne font que rendre plus douloureuse sa disparition soudaine.

L’équipe Islam médiéval adresse à son mari Michel, à ses trois enfants et à tous ses proches ses plus sincères condoléances.