Disparition de Monik Kervran
Nous apprenons avec tristesse la disparition de notre collègue Monik Kervran, directeur de recherche au Cnrs, survenue le 6 Octobre 2024 à Paris.
Disciple de Janine Sourdel-Thomine, professeur titulaire de la chaire d’Histoire de l’Art et d’Archéologie islamiques à l’Université Paris IV – Sorbonne, son expérience archéologique s’acquit en pays d’Islam, de 1970 à 1975, de la Tunisie à l’Iran, en passant par la Libye. Monik Kervran ouvrit la voie à la recherche archéologique islamique en Iran, sur le site de Suse, dès 1972, au sein de la Délégation archéologique française en Iran, alors, sous la direction de Jean Perrot depuis 1968.
Découvreuse d’une colossale statue de Darius 1er, le roi achéménide, portant une inscription quadrilingue, en place à la Porte de l’Apadana du palais de Suse, dans les niveaux islamiques, elle acquît une réputation internationale. Cette découverte majeure eût un retentissement immense chez les philologues, égyptologues et iranologues du monde entier et lui valut la légion d’honneur. Dans cette capitale du Khuzistan, elle étudia des niveaux d’habitat du début de l’Islam, un bain, une sucrerie, la grande mosquée, une deuxième mosquée et un maristan, révélant ainsi l’ampleur de cette ville islamique. Monik Kervran se tourna encore vers l’Iran, en 2004, pour diriger des fouilles à Nishapur et s’intéresser de près à Siraf.
Elle initia des fouilles sur l’autre rive du golfe Persique, à Bahrain dès 1977, sur le site de Qala’at al-Bahrain, puis en Oman en 1980, sur le site de Sohar, deux comptoirs d’importance capitale pour la compréhension des échanges commerciaux du golfe Arabo-Persique à la Chine. Elle mena également une étude des mosquées omanaises et tenta leur sauvegarde.
Sa curiosité scientifique pour l’histoire des échanges maritimes la conduisit au Pakistan, en 2002. Elle approfondit ainsi le niveau des connaissances pluridisciplinaires sur le delta de l’Indus, et chercha même, grâce à Néarque, la trace d’Alexandre dans les méandres de l’Indus. La responsabilité des fouilles de Banbhore lui échut en 2011. En début d’année 2017 elle revenait encore d’une campagne de fouilles sur ce site fameux. Désormais, elle consacra tout son temps, jusqu’à aujourd’hui, à la publication des résultats de ses recherches sur cette ville et la vallée de l’Indus.
Si l’histoire des échanges commerciaux de la route de la soie par voie de terre comme par voie de mer a été le thème favori de ses recherches, la compréhension profonde de monuments-clés ont tout autant orienté ses efforts. Elle s’est employée à dater toutes les villes, les monuments, les structures qui entraient dans sa problématique, en particulier, par l’étude approfondie de la céramique archéologique. De nouveaux pans de l’histoire pré-islamique et islamique ont ainsi été exhumés, étudiés et publiés.
En un mot, sa contribution à l’avancement de la connaissance du monde islamique oriental est immense. De nombreux disciples et collègues ont bénéficié et bénéficieront des sillons tout tracés par cette pionnière infatigable de l’archéologie.
L’équipe Islam médiéval, après le départ de Christophe Picard et de Françoise Micheau, deux de ces éminents membres historiens du monde occidental, est, à nouveau, durement touchée.
L’équipe Islam médiéval adresse à sa famille et à tous ses proches ses plus sincères condoléances.