Saint-Bertrand-de-Comminges, opération « ville haute »
Une équipe composée de 7 personnes 1 a pu procéder en juillet 2020 à une intervention de carottages archéologiques sur le quartier dit de la « ville haute » de Saint-Bertrand-de-Comminges, colline de moins de 4,5 ha qui domine le chef-lieu de cité de Lugdunum Conuenarum.
Ce secteur, aujourd’hui encore relativement densément occupé et lieu de pouvoir à l’époque médiévale comme en témoigne la cathédrale érigée au XIIe s., restait très mal appréhendé, en particulier pour la période romaine : à l’exception d’un monument mal identifié dans les environs de la cathédrale et en amont d’un long mur de terrasse, seul vestige antérieur au Ve s. encore visible sur la colline, les rares données anciennes (remplois tardifs d’autels et autres pièces d’architecture) et les quelques sondages en périphérie de la colline, le long du rempart de l’Antiquité tardive, ne fournissaient que de très rares indices antérieurs à la fin du IVe s. ap. J.-C., y compris parmi le matériel résiduel ou les remplois.
Comment était mis à profit dans la scénographie urbaine un tel « géosymbole » (Golosetti 2016), dominant la ville, le centre monumental et en premier lieu le théâtre ? Doit-on, au contraire, imaginer une zone « vide », peu voire pas occupée, quitte à faire de ce que l’historiographie présente comme le noyau historique de l’occupation, soit un oppidum celtique, une zone de périphérie urbaine pendant le Haut-Empire ? En effet, on a tendance à juger sa présence à proximité immédiate de la ville augustéenne comme l’élément explicatif de l’implantation de cette dernière en contrebas, mais encore faut-il prouver son occupation ancienne et antérieure. Voilà toute une série de problématiques qui ne sont pas nouvelles, mais qui restent en suspens depuis les premiers coups de pioches à Saint-Bertrand.
Face à ce constat qui laissait en suspens la nature de l’occupation antique de la colline, il a été proposé de mettre en place une opération d’évaluation afin d’identifier si de futures interventions archéologiques étaient pertinentes, réalisables et selon quelles conditions (puissance sédimentaire et profondeur du substrat, nature des remblais et des occupations médiévales et modernes , etc.) 2.
L’exiguïté des parcelles limite le stockage des terres et la dimension des engins de terrassement susceptibles d’intervenir ce qui entrait en contradiction avec la puissance sédimentaire soupçonnée (substrat jusqu’à 4 m de profondeur environ). Une intervention par tranchées de diagnostic à la pelle mécanique, comme elle se pratique généralement, paraissait très difficile à mettre en place pour un résultat aléatoire.
L’originalité de l’opération réside donc aussi au niveau méthodologique avec la mise en place de carottages archéologiques, plus spécifiquement à l’aide d’une foreuse SONIC. Par rapport aux autres techniques de carottages (généralement par fonçage), ce type de carottier bénéficie d’une force de perforation supérieure et est nettement moins limité par l’hétérogénéité des couches traversées, caractéristique fréquente des remblais rencontrés en archéologie. De plus, le prototype auto-porté unique d’Environnement Investigations, avec un mât de 3 m de haut et un empattement de 130 cm seulement, s’est révélé parfaitement adapté pour accéder aux parcelles et cela avec une facilité de déplacement dans une « ville haute » médiévale aux rues étroites interdisant toute circulation avec des camions. Enfin, la rapidité d’exécution d’un carottier sonique, par rapport aux autres techniques, et davantage encore par rapport aux diagnostics par tranchée usuels en archéologie, a permis de multiplier les logs (9 en tout), répartis d’une manière la plus homogène possible sur la colline.
Après un rapide examen des carottes de 100 mm de diamètre in situ, c’est surtout leur étude en cours en laboratoire par un géoarchéologue qui permettra de livrer des données nouvelles et inédites sur l’occupation antique tout comme du haut et bas Moyen-Âge dans un secteur très mal connu de Saint-Bertrand. Peut-être davantage encore, l’opération pourrait permettre d’une part de vérifier éventuellement la présence d’une agglomération protohistorique, d’autre part de revoir peut-être entièrement l’histoire de la ville romaine qui aurait été aménagée au pied d’une colline porteuse d’un sens nouveau. Ce questionnement, absent des études les plus récentes , doit permettre de renouveler notre approche de l’urbanisme des villes romaines de Gaule.
1 Sondeurs d’Environnement Investigations et de la plate-forme technique C2FN du CNRS, un géoarchéologue d’Archeodunum SA et Raphaël Golosetti
2Avec la collaboration d’un archéologue médiéviste, C. Venco, doctorant Université de Toulouse II Jean Jaurès / UMR TRACES.