Οὗ δῶρόν εἰμι τὰς γραφὰς βλέπων νόει
Préface d’Hélène AHRWEILER : Pour leur savoir et leur enseignement, nous louons toujours les maîtres ; mais qui dira ce que les maîtres doivent à leurs disciples ? Dois-je avouer que je suis fière parce que mon premier élève en Sorbonne (c’était en 1967) fut Jean-Claude Cheynet ? À propos des mouvements de sédition fomentés par des étrangers, je lui avais alors demandé de traduire et de commenter le terme ethnikos mentionné dans le Stratégikon de Kékaumenos. Qui aurait pu prévoir, quelques années plus tard, quand Jean-Claude Cheynet commençait sa thèse d’État sur Milieux et foyers de perturbations dans l’Empire byzantin (963-1210), qu’il deviendrait le spécialiste incontesté de l’histoire mouvementée de la société byzantine, ainsi que le meilleur connaisseur de l’administration complexe mais efficace de l’Empire de Byzance ? Il y a réussi en se penchant sur la source quasi unique qui permet de connaître et d’éclairer cette question : les sceaux byzantins. Jean-Claude Cheynet, qui a succédé au maître incomparable de cette discipline, Nicolas Oikonomidès, reste aujourd’hui l’un des très rares défricheurs des secrets de la sigillographie byzantine. Mais pourquoi parler seulement de l’apport de Jean-Claude Cheynet à la connaissance de la société byzantine et de son évolution, quand l’étendue de ses travaux (près de deux cents titres de livres et d’articles) montre l’éventail impressionnant de ses intérêts ? Ceux-ci concernent tous les aspects de la vie de Byzance et cela pendant toute la durée de cet empire millénaire. Jean-Claude Cheynet fait ainsi partie d’une espèce rare, celle des « byzantinistes complets ». Il connaît Byzance comme l’on connaît une personne aimée que l’on a fréquentée longtemps sans jamais être déçu. Il sait les rouages de l’administration, les méthodes de la diplomatie, les attitudes des dirigeants comme celles des simples citoyens du menu peuple ; il déchiffre les enjeux et les dangers de la politique étrangère, les relations avec l’Église et avec son clergé supérieur ; bref, il connaît Byzance de l’intérieur comme s’il y avait vécu. L’Empire byzantin n’a pas de secrets pour cet érudit passionné et passionnant. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il ait su transmettre cette passion aux nombreux élèves qu’il a eus pendant sa longue et fructueuse carrière de professeur à la Sorbonne. Il est aussi symptomatique que Jean-Claude Cheynet n’ait pas hésité à consacrer du temps et des efforts continus au service de la byzantinologie. Il assura la direction de laboratoires scientifiques dépendant du CNRS ; il supervisa des éditions de documents, des études relatives aux sources historiques et fut responsable de revue ; enfin, il dirigea les thèses de jeunes byzantinistes qui continuent aujourd’hui son œuvre. En un mot, c’est un collègue estimé, un maître aimé et un savant accompli. La place de Jean-Claude Cheynet dans la hiérarchie du petit monde des byzantinistes (Roberto S. Lopez nous estimait un millier dans le monde) se trouve au sommet et y restera longtemps.
Volume regroupant 44 études, édité par Béatrice CASEAU, Vivien PRIGENT et Alessio SOPRACASA